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Paroles paysannes. En Guinée, les producteurs de pomme de terre de la FPFD ne peuvent pas vendre leur récolte

Des tempêtes, la Fédération des paysans du Fouta Djallon (FPFD), en a traversé en 28 années d’existence ! Ebola a frappé en 2014, le mildiou en 2016, mais la crise du coronavirus pourrait bien mettre en péril une organisation paysanne phare de la Guinée et de l’Afrique de l’Ouest, qui compte 35 000 membres.

La pomme de terre, filière historique de l’OP et culture majeure de la région subit de plein fouet la crise. Plus de 10 000 tonnes restent en rade dans les champs, vouées à pourrir si elles ne parviennent pas à être vendues ou stockées.

La commercialisation impossible

La campagne de cette saison sèche courant de décembre à mars avait pourtant bien commencé. 20 % de la production ont pu être récoltés et vendus en janvier au prix de 4 750 GNF/kg. Et puis survint le coronavirus avec son cortège de restrictions : fermeture des marchés et des frontières, arrêt des transports et des circuits d’approvisionnement.

La récolte est bonne mais la commercialisation impossible. Le prix de vente de la pomme de terre est tombé à 2 750 GNF. Les producteurs s’escriment à écouler localement et à perte ce qui peut l’être.

Les capacités de stockage sont atteintes, les ressources financières aussi

La FPFD se bat pour sauver la plus grande part possible de la récolte. 6 100 tonnes, la moitié des récoltes invendues, sont conservées dans deux chambres froides et des magasins relais. A grand renfort d’énergie et à un coût très élevé. L’OP a atteint la limite de ses capacités de stockage et de ses ressources financières. Son existence même est en péril, car les campagnes agricoles se financent sur la base d’emprunts remboursés sur la vente. Un mécanisme éprouvé depuis des années, sauf que… la commercialisation est arrêtée et le produit en train de se perdre.

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Pommes de terre stockées dans les chambres froides par la FPFD

Pertes de revenus : les producteurs, la fédération et la filière menacés

Au-delà des producteurs, c’est toute la filière qui est en crise : plus de 11 800 familles paysannes, les ouvriers agricoles au chômage technique, tout comme les jeunes ruraux, habituellement chargés du transport, sans compter les distributeurs et les grossistes.

Que faire pour surmonter la crise, empêcher que la perte de revenus se répercute sur la sécurité alimentaire et plonge les agriculteurs et leur OP dans une situation d’endettement inextricable ?

 

Entretien avec Rabiatou Bah, responsable de la commercialisation

Quelles sont les incidences de la crise du coronavirus ?

Actuellement la pomme de terre qui n’a pu être stockée pourrit dans les champs ou même dans les magasins relais. Il est impossible de se rendre sur le marché de Conakry, qui est non seulement un lieu de vente au consommateur mais aussi la plaque-tournante pour une commercialisation sur d’autres marchés et pour l’exportation vers les pays voisins. Il n’y a plus aucun débouché et les prix sont au plus bas.

 

Une partie de la récolte pourra-t-elle être conservée ?

Une partie a pu être stockée mais normalement le stockage est limité dans le temps, ce qui permet le roulement. Là, les deux chambres froides sont pleines et il faut payer le carburant nécessaire à la réfrigération, or nous ne pouvons plus rien emprunter.

 

Les producteurs ont-ils été rémunérés ?

Cette fois, la FPFD n’a pas pu les rétribuer pour toute la récolte car le paiement, tout comme le remboursement du crédit de campagne, se fait d’ordinaire sur la vente. Pour de nombreuses familles, la situation risque de devenir catastrophique. Parmi nos membres, il y a beaucoup de femmes chefs de famille que la filière de la pomme de terre a rendu indépendantes. Si elles ne peuvent pas vendre cela signifie une perte totale de revenus.

 

Que pouvez-vous faire ?

Il faudrait pouvoir disposer d’une troisième chambre froide car nous n’avons plus de capacités de stockage, mais comment la financer ? La fédération a demandé aux banques une prolongation de la durée du crédit et la révision des taux. Nous espérons que les pouvoirs publics achèteront une partie de la récolte pour la restauration collective. Un fonds de commercialisation permettrait de financer la prochaine campagne. Ce sont les pistes. La situation est vraiment critique.

 

Fondée en 1992, la Fédération des paysans du Fouta Djallon (FPFD), partenaire d’Afdi Hauts-de France, s’est fixé pour objectif prioritaire d’assurer un revenu décent à ses membres. D’ordinaire, elle y parvient, et pour ce faire, endosse les fonctions de coopérative d’achats, coordonne la construction d’infrastructures de base et facilite la mise en marché des produits agricoles. Parallèlement, elle prodigue à ses adhérents conseil en gestion et formations et défend leurs intérêts.